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La gratuité dans les transports en commun

Par Yves Massot, le 1er février 2021

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Les principes de base :

  1. la gratuité des transports en commun a pour corollaire systématique, la prise en charge des transports publics par le budget des collectivités ; donc la fiscalité.

  2. dans notre société consumériste, ce qui apparaît comme « gratuit » devient rapidement dépourvu de toute valeur et de respect.

  3. le transport payant positionne l’usager en client et le prestataire en fournisseur ; il s’instaure alors une relation d’échange commercial positif.

  4. pourquoi se priver de la contribution des usagers solvables ?

Les villes pratiquant la gratuité : Aubagne, Compiègne, Châteauroux, Vitré, Gap, et Noyon (60) ont décidé de procéder à la gratuité des transports, mais ces villes ont en même temps modifié l’offre de transport ; l’impact de la gratuité n’a pas pu être apprécié sur une longue durée. On pourra noter que les élus de la ville de Châteauroux sont très satisfaits de leurs décisions en déclarant « ces résultats ont permis de rendre les transports plus attractifs grâce à la gratuité, à la refondation du réseau et à la rénovation de nouveaux quartiers ».

Les villes qui ont abandonné le transport gratuit : La gratuité prive les organisateurs des transports d'une partie des recettes. ''Dans la plupart des villes, la priorité serait davantage de développer le réseau et l'offre de transport. C'est l'avis des villes qui ont abandonné la gratuité'', comme Castellón (Espagne) qui a appliqué la gratuité de 1990 à 1997 ou Bologne (Italie) de 1973 à 1977.

Par ailleurs, c’est en raison de son coût excessif que des grandes villes (Bologne, en Italie, Castellon de la Plana, en Espagne, Hasselt, en Belgique, Sheffield et Rotherham, en Angleterre, Seattle, aux États-Unis d’Amérique) et des villes plus petites (Templin et Lübben, environ 15.000 habitants, en Allemagne ; Trebon, 9.000 habitants, en République tchèque ; Kristinehamm, 24.000 habitants, en Suède), ont fini par abandonner la gratuité. Bologne dispose aujourd’hui d’un remarquable réseau de transport urbain et périurbain qui n’aurait jamais vu le jour si la gratuité avait été pérennisée.

 

Les critères à prendre en compte :

  • Les coûts liés à la billetterie, à l’encaissement, au contrôle et à la gestion de la fraude doivent être pris en compte dans la gestion des transports payants.

  • 4 chômeurs sur 10 refusent un emploi faute de moyens de transport.

  • Un progrès de 1% de l'efficacité des transports (indicateur de la vitesse moyenne) élargirait de 1,39% à 2,25% la taille effective du marché́ de l'emploi, et cette dernière augmenterait ainsi de 0,24 à 0,56% la productivité de l'agglomération.

  • La répartition des ressources à Tours s’établit de la façon suivante :

  1. Les employeurs (Taxe Versement Transport) 46%

  2. Les collectivités territoriales (impôt) 35,5%

  3. Les voyageurs (recette commerciale) 16,5%

  4. L’état 2%

 

L’expérience de Grenoble : Grâce à l’amélioration de l’offre de transport et de l’information, Grenoble, a augmenté la fréquentation des transports collectifs de 25% en 3 ans pour atteindre 58 millions de voyageurs dont 25 millions par le tram tout en maintenant le transport payant. 

Tordons le cou aux idées reçues : Ce qui fait l’attractivité des transports en commun, c’est le confort, la cadence, la rapidité, la proximité des arrêts avec le domicile et le lieu de travail, le maillage, les ruptures de charge minimums (en nombre et en temps), l’accessibilité pour tous, le coût, la climatisation, la facilité d’accès aux horaires (appli portable). Selon une enquête de « Statista Research Department », les principaux critères dans le choix des moyens de transport viennent par ordre d’importance :

  1. La facilité d’usage,

  2. Le temps de trajet, 

  3. Le coût, 

  4. Le confort, 

  5. La sécurité, 

  6. L’impact sur l’environnement.  

 

Une tarification pour une meilleure équité : Une tarification solidaire (Strasbourg) peut assurer le droit à la mobilité, elle peut même impliquer la gratuité pour les plus démunis.

C’est dans cet esprit que TMVL a opté pour une tarification proportionnelle au quotient familial. La fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) est défavorable à la gratuité pour tous, mais favorable à la gratuité pour ceux qui en ont besoin.

 

L’automobile en référence : Un site très spécialisé précise à la fin d’une étude sur la qualité de l’offre et usage du transport public en milieu urbain : « La qualité de l’offre de transport public estimée très finement apparaît en effet comme une variable incontournable à prendre en compte pour expliquer l’usage des transports en commun. Toutefois, analysée individuellement, la qualité de l’offre seule ne parvient pas non plus à en expliquer l’usage. Ce n’est qu’en la comparant avec l’accessibilité fournie par l’automobile, principale concurrente, que l’on parvient à mieux comprendre, sur un ensemble de trajets donnés, les ressorts du choix modal. »

Le courage politique : la notion de gratuité détourne l’attention du problème de fond : la place excessive de la voiture dans l’espace public. Dans les villes qui l’ont instaurée, la gratuité sert souvent d’alibi pour éviter d’avoir à prendre des mesures impopulaires auprès des automobilistes. Les usagers des transports, les citadins et les contribuables attendent des élus non pas des solutions de facilité, mais du courage politique.

 

Taxe Versement Transport (TVT) : Les transports sont financés par les entreprises publiques et privées (établissement supérieur à 9 personnes) par la Taxe Versement Transport (TVT), perçue par l’URSAFF et reverser aux organismes organisateurs des transports en commun. Les périodes de sous activité comme celles que nous traversons défavorisent aussi fortement la TVT. TMVL a porté son taux de TVT à 2% comme la loi lui autorise étant un territoire à forte attractivité touristique.

 

L’effet tramway : L’arrivée du tram dans une ville a également d’autres effets positifs, notamment l’incitation à des recompositions urbaines, des aménagements de l’espace public (voirie, parkings relais, trottoirs, plantations...) ou d’autres opérations d’urbanisme (création de logements, de commerces ou de centres d’activité).

 

La dualité entre transport privé et public : En France, la somme totale dépensée par les ménages pour les transports atteint 147 milliards d'€ dont 126 milliards d'€ pour les modes individuels de transport et 20,6 milliards d'€ pour les transports en mode collectifs, dont 3,5 milliards d'€ en transports urbains de voyageurs. ''Ainsi un ménage moyen consomme énormément plus pour sa voiture individuelle, que pour le train, ou le transport collectif urbain. Le défi est donc de faire en sorte qu'une partie des dépenses consenties pour l'automobile par les ménages se reporte vers les transports collectifs'', conclut la fédération.

Une enquête quantitative menée par l'Institut Wallon d'études, de recherches et de formation (IWERF) en mai 1996 montrait que l'un des freins à la fréquentation des transports en commun était leur mauvaise image auprès des citoyens. ''Considéré comme une obligation, son usage ne suscite aucun plaisir. Au contraire, la voiture représente l'espace privé par excellence''. (Revue de presse - selon le site Actu-environnement)

 

Pas de hausse flagrante de la fréquentation des transports avec la gratuité : ’’À très court terme, la gratuité des transports en commun peut faire exploser la fréquentation qui diminue ensuite'', notait le programme de recherche et d'innovation dans les transports terrestres (Predit). ''En comparant des villes avec des transports en commun payants d'une taille voisine de celles pratiquant la gratuité, on constate qu'il n'y a pas de corrélation directe entre niveau de prix et usage'', poursuit le rapport. La gratuité a un réel impact sur la fréquentation lorsqu’elle est accompagnée de mesures restrictives de la circulation des véhicules en ville (politique de stationnement, voies de circulation spéciales). La qualité de l'offre (amplitude, fréquence, régularité) serait plus déterminante dans une augmentation de report modal.

 

La gratuité renforce la fracture territoriale : selon Jean Sivardière, vice-président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), la gratuité renforce la fracture territoriale entre les villes où le transport est gratuit, mais l’offre médiocre, voire indigente, et les métropoles dont les habitants disposent d’une offre correcte et où, peu à peu, le rôle de la voiture régresse.

Une tarification solidaire (Strasbourg) peut assurer le droit à la mobilité, elle peut même impliquer la gratuité pour les plus démunis. 

 

Conclusions :

  1. La gratuité n’est pas un critère unique et déterminant pour mener une politique de développement quantitatif et qualitatif des transports en commun.

  2. La voiture ne doit pas être le mode de transport à bannir, mais à transposer en mode collectif. Une approche psychologique, sémiologique, philosophique et sociologique commandée par le ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement a été réalisée par un groupe d’expert sous l’égide du CERTU. Son titre est révélateur « La voiture, cet incontournable objet de désir » dite aussi « l’objouet » (à disposition sur Internet)

  1. Pour développer les transports en commun, il faut travailler sur 4 leviers : l’investissement, les usages, l’image et la communication (TIC).

  2. Le développement des transports collectifs est un long processus qui est en train de s’accélérer ; 30% de plus ces 10 dernières années soit 125 millions de déplacements par semaine en France métropolitaine.

  3. Les nouvelles technologies et la robotisation participent significativement à l’amélioration du service rendu donc du trafic.

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